Albertine disparue (La Fugitive)

d’après Agranska Krolik 

Albertine a quitté brutalement l’appartement du narrateur où elle vivait. Celui-ci est surpris d’éprouver une souffrance aussi vive alors qu’il lui arrivait parfois d’espérer un tel départ. Dans l’incapacité de retrouver sa maîtresse, il se décide à lui envoyer un message désespéré, la suppliant de lui revenir. Le jour même, il reçoit un télégramme lui annonçant qu’Albertine est morte, à la suite d’une chute de cheval. Et quelques heures plus tard, une lettre de la jeune fille le suppliant de la laisser revenir vivre avec lui. Désemparé, les souvenirs se bousculent dans sa tête et, en même temps, il craint d’oublier Albertine comme il a oublié d’autres femmes : Gilberte, Mme de Guermantes, sa grand-mère. Tandis qu’il revit en détail les derniers instants passés avec Albertine, ses mensonges probables retrouvent toute leur importance, ravivant une souffrance qui se nourrit de trahisons toujours présentes malgré sa mort. Pour savoir si Albertine était vraiment attirée par les femmes, il interroge Andrée désormais installée chez lui, fait mener des enquêtes par le maître d’hôtel du Grand-Hôtel de Balbec. Il s’avère qu’Albertine était bien lesbienne. Peu à peu, le narrateur reprend goût à la vie et éprouve désormais de la pitié pour « la pauvre petite ». Il retrouve chez la duchesse de Guermantes son amie d’enfance Gilberte, devenue Gilberte de Forcheville à la suite du remariage de sa mère, veuve de Swann. Charles Swann avait toujours rêvé de faire admettre Odette dans les milieux aristocratiques et son souhait sera finalement exaucé à titre posthume. C’est pendant le retour d’un voyage à Venise en compagnie de sa mère, que le narrateur apprend le mariage de Gilberte avec son ami Robert de Saint-Loup. Cette union n’est pas heureuse et, lors d’une visite que lui rend le narrateur, Gilberte lui confie que son mari la trompe, sans qu’elle sache (ou alors elle feint de l’ignorer) que c’est avec des hommes, parmi lesquels figure Morel.

Albertine a quitté brutalement l’appartement du narrateur où elle vivait. Celui-ci est surpris de souffrir autant d’un départ qu’il lui était arrivé de souhaiter. Tout d’abord, il se persuade qu’il va la retrouver très vite, ou qu’elle reviendra d’elle-même. Il est persuadé que la lettre laissée par Albertine n’a d’autre but que de lui faire peur, ou alors ce sont ses tuteurs, les Bontemps, qui ont organisé cette fuite dans le but de lui soutirer de l’argent. Prêt à toutes les concessions pour la récupérer, il s’engage à lui laisser sa pleine liberté dès son retour. Il se reproche de l’avoir inconsidérément privée de liberté, la faisant vivre comme une esclave, au lieu de l’épouser. Lorsqu’il apprend qu’elle est partie en Touraine, chez sa tante, il n’en éprouve aucun soulagement. Comment la faire revenir ? Il décide alors de faire appel à son ami Saint-Loup à qui il demande de la rechercher et de la lui ramener. Celui-ci part aussitôt pour la Touraine et le narrateur est tout de suite soulagé, convaincu que son ami réussira sa mission.

Alternent alors des périodes d’espoir et de pessimisme. Désemparé, le narrateur erre dans Paris et trouve devant la porte de l’ancien appartement d’Albertine, une petite fille pauvre et à l’air malheureux qu’il ramène chez lui. Après l’avoir bercée sur ces genoux, il lui donne un billet et lui demande de retourner chez elle. Les parents de la petite fille ont déposé une plainte pour détournement de mineure et il doit se rendre au commissariat où le chef de la Sûreté (qui doit aimer les petites filles) lui reproche ses maladresses et va même jusqu’à lui donner quelques conseils pour ne pas se faire prendre la prochaine fois.

Von Dongen 01

Le Narrateur à Venise d’après van Dongen

Les jours passent et le narrateur constate, avec un peu de gêne, que sa douleur diminue. Son esprit vagabonde et il se surprend à penser à Venise ou à de belles femmes. L’oubli s’insinue avec lenteur, ce qui n’empêche pas la souffrance de revenir parfois avec acuité en réveillant une image idéalisée par l’absence. Ne pas avoir de nouvelles de Saint-Loup lui devient intolérable. Un télégramme arrive enfin, Saint-Loup a échoué dans sa mission, ce qui le rend furieux, car Albertine sait maintenant que c’est lui qui demande son retour. Dans une lettre, elle lui reproche d’avoir envoyé un émissaire, alors qu’elle aurait été trop heureuse de revenir s’il le lui avait demandé directement. Le narrateur se livre alors à un jeu étrange, en dépit de sa souffrance, il feint l’indifférence et fait savoir à Albertine qu’en partant elle a pris une décision très sage. Que fera-t-il si Albertine répond sur le même ton détaché ? Résistera-t-il au désir de la supplier de revenir ?

Avec le temps, il commence à trouver quelques avantages à sa solitude. Il invite Andrée à venir s’installer chez lui et en avertit Albertine, lui précisant que cette cohabitation sera peut-être définitive. Et puis, à nouveau désespéré, il envoie un télégramme la suppliant de revenir à n’importe quelles conditions. A peine ce télégramme est-il parti, qu’il en reçoit un de Mme Bontemps lui annonçant la mort d’Albertine à la suite d’une chute de cheval. C’est pour lui un immense arrachement. Le même jour deux lettres d’Albertine lui parviennent, la première le félicite de son intention de vivre avec Andrée, la seconde, désespérée, le supplie d’accepter qu’elle revienne auprès de lui.

Une multitude de souvenirs assaillent le narrateur. Si Françoise, qui détestait Albertine, est peut-être satisfaite d’une telle conclusion, elle a le tact de le dissimuler. A moins qu’elle n’ait cessé de la haïr ? Le narrateur attend avec impatience la nuit, il regrette de savoir qu’il va oublier Albertine comme il a oublié d’autres femmes, Gilberte, la duchesse de Guermantes, sa grand-mère. Tandis qu’il revit en détail les derniers temps passés avec Albertine, ses mensonges probables retrouvent toute leur importance, ravivant une souffrance qui se nourrit de trahisons toujours présentes malgré sa mort. Il se met à imaginer Albertine libre, se prostituant avec les unes et les autres. Certains souvenirs lointains, qu’il croyait oubliés, lui reviennent à l’esprit. Comme ces heures merveilleuses, dans le partage d’une tendresse confiante, des moments privilégiés dont il regrette de ne pas avoir profité plus pleinement. Si Albertine lui avait dit « j’ai ces goûts », il lui aurait permis de les satisfaire. Il se remémore toutes les phrases échangées au cours des derniers jours, heureux de savoir que, si elle avait vécu, elle lui serait revenue. Pourquoi a-t-elle menti sur ses relations avec Mlle Vinteuil ? Les interrogations que lui inspire sa jalousie sont infinies et, prêt à tout pour connaître la vérité, il décide de mener des enquêtes à Balbec, puis à Nice où la jeune fille a séjourné. Pour cela, Aimé, le maître d’hôtel du Grand-Hôtel lui paraît être la personne idéale. Les résultats de ces enquêtes confirment les doutes du narrateur, Albertine a bien eu des relations ambiguës avec plusieurs jeunes filles. Il se refuse à admettre qu’elle ait pu lui mentir à ce point, mettant en place toute une organisation pour parvenir à ses fins. Désormais, tous ses souvenirs de Balbec lui deviennent odieux. Pourtant, il doit admettre qu’il existait plusieurs Albertine, dont une femme amoureuse, bonne, attentive à qui il parle dans ses rêves, lui disant la comprendre et tout lui pardonner. Son chagrin s’allège peu à peu, tandis qu’il réalise qu’Albertine est bien morte.

Andrée lui rend visite pour la première fois depuis la mort d’Albertine. Le narrateur la pousse à lui faire des confidences sur la nature de ses relations avec Albertine, feignant d’être au courant de beaucoup de choses, mais Andrée n’avoue rien et, lorsque le narrateur la pousse dans ses retranchements, elle réfute farouchement ses accusations.

A nouveau, le narrateur ressent un immense désir de vivre. Il ramène chez lui des jeunes filles qui pourtant ne lui plaisent pas, incapables de soutenir la comparaison avec Albertine. Avec le temps, la force de l’oubli efface les survivances du passé. Le narrateur continue d’aimer Albertine, mais d’une manière différente, moins obsédante. A présent, il éprouve de la pitié pour « la pauvre petite », son amour se désagrège, de même que certains souvenirs.
Un article du narrateur paraît enfin dans Le Figaro, le remplissant de joie et de fierté. Pour apprécier l’impact de cet article, il se rend chez la duchesse de Guermantes. Bien qu’il considère cet écrit un peu « enflé », M. de Guermantes le félicite. Gilberte, qui se trouve chez les Guermantes, se dit fière d’être l’ami de quelqu’un qui écrit dans Le Figaro. Pour la première fois, le narrateur annonce à son entourage qu’il a perdu quelqu’un de très cher et cette confidence participe à diminuer encore sa peine.

Odette, veuve de Swann, a épousé M. de Forcheville, homme désargenté qui donne son nom à Gilberte. Mme de Guermantes a toujours veillé à exclure de son cercle d’amis, Odette considérée comme une cocotte ainsi que sa fille, bien que Swann, un proche des Guermantes, ait essayé à plusieurs reprises mais sans succès de lui faire rompre cet ostracisme. Bizarrement, malgré vingt-cinq ans d’outrages, Gilberte n’a cessé d’admirer la duchesse de Guermantes. Maintenant qu’elle est immensément riche, beaucoup de personnes voient en elle un parti intéressant et Mme de Guermantes elle-même accepte enfin de la rencontrer.

Le Narrateur continue à retrouver avec plaisir Andrée dans sa chambre et il ne peut s’empêcher de la questionner sur Albertine et ses relations avec les femmes. Andrée finit par admettre qu’elle a eu des relations amoureuses avec elle, puis elle raconte les nombreuses aventures d’Albertine avec de petites novices que Morel lui rabattait après les avoir lui-même utilisées. Albertine en éprouvait ensuite de terribles remords. Ces révélations ne sont pas aussi douloureuses que le narrateur aurait pu le craindre, d’ailleurs il se demande si ces révélations sont exactes ou si elles n’ont pas pour objet de discréditer Albertine à ses yeux.

Pour l’aider à oublier Albertine, la mère du narrateur entreprend avec lui un voyage de quelques semaines à Venise. Il aime arpenter les ruelles de la ville, attiré par les filles d’un genre populaire. Un jour, il aperçoit dans un hôtel, attablée dans la salle du restaurant, une femme « petite bossue, rougeaude, affreuse » en qui il finit par reconnaître Mme de Villeparisis qui a beaucoup vieilli. Elle séjourne à Venise depuis plus d’un mois, avec son vieil amant M. de Norpois. Mme Sazerat, également à Venise, apprend au Narrateur que Mme de Villeparisis a été mariée en premières noces au duc d’Havré et que « belle comme un ange, méchante comme un démon » elle a beaucoup fait souffrir son mari, l’a ruiné, puis l’a abandonné.

Le Grand Canal de Venise par Arnaud Chalaud

Le narrateur reçoit un télégramme d’Albertine lui annonçant qu’elle n’est pas morte. Curieusement, cette nouvelle surprenante ne lui cause aucune joie et il prend alors conscience de ne plus ressentir aucun amour pour la jeune fille. Il décide de faire comme s’il n’avait jamais reçu ce message. Quelques jours plus tard, il comprend que ce message peu lisible et qu’il a mal interprété, a en fait été envoyé par Gilberte. Sillonnant Venise avec sa mère, c’est avec émotion et mélancolie que, dans un musée, il retrouve sur un tableau le modèle qui a dû servir à Fortuny pour créer le manteau qu’Albertine portait la veille de son départ définitif. Le jour où le narrateur doit quitter la ville avec sa mère, il apprend l’arrivée de la baronne Putbus et sa suite. Ses fantasmes d’autrefois autour de la femme de chambre de la baronne enflamment à nouveau son imagination et, se conduisant comme un enfant capricieux, il décide de rester à Venise. Sa mère s’y oppose avec une énergie inhabituelle et part à la gare pour rentrer à Paris. Vaincu, le narrateur la rejoint à la toute dernière minute. Dans le train, ils lisent le courrier reçu le matin et apprennent le prochain mariage de Gilberte avec Robert de Saint-Loup. Autre annonce de mariage encore plus surprenante, celui du petit Cambremer avec Mlle d’Oloron, nièce de Jupien et fille adoptive de Charlus. Ces deux mariages étonnants vont longtemps défrayer la chronique.

Pour Monsieur Legrandin, le mariage de son neveu Cambremer est une ascension sociale dont cependant il ne va pas profiter. Curieusement, il se détourne de la fréquentation de la haute société. Il en est de même pour Mme de Cambremer, qui devient même insensible à l’amabilité nouvelle de la duchesse de Guermantes. Gilberte, elle aussi, a beaucoup changé. Au début de son union avec Robert de Saint-Loup, elle a apprécié de rentrer dans le cercle des familles les plus huppées,puis peu à peu s’en est lassé jusqu’à mettre un terme à ces fréquentations.

Le narrateur entretient à Paris une jeune fille dans un pied-à-terre qu’il loue et avec laquelle il passe le plus clair de son temps. Il la quitte quelques temps pour rendre visite à Gilberte, à Tansonville. Celle-ci est malheureuse de savoir que Robert la trompe, même si elle ignore ou feint d’ignorer qu’il la trompe avec des hommes parmi lesquels Morel. Le narrateur, qui se posait parfois des questions sur les orientations sexuelles de son ami voit ses doutes confirmés par Aimé, le maître d’hôtel de Balbec, qui lui raconte que Robert a eu des relations homosexuelles avec un lift de l’hôtel lors de son premier séjour et qu’il a été difficile d’étouffer l’affaire. Le narrateur comprend alors une réflexion de Robert qui lui avait dit un jour qu’il se serait bien marié avec Albertine, si elle avait eu la fortune nécessaire car, elle de Gomorrhe et lui de Sodome, chacun aurait eu sa liberté. Pour donner le change, Robert s’affiche avec de jolies femmes qui sont ou passent pour être ses maîtresses. Mme de Marsantes, la mère de Robert souffre de cette situation et s’efforce de protéger le couple.

Odette continue de mener une vie mondaine très agitée. Toujours aussi dépensière, elle compte sur sa fille pour l’aider financièrement, mais avare et bien qu’immensément riche, Gilberte refuse de céder aux demandes de sa mère. Pour satisfaire ses goûts pour les toilettes et les bijoux, Odette se tourne alors vers son gendre et parvient à obtenir de lui l’argent dont elle a besoin pour maintenir son train de vie. De son côté, Morel ne se prive pas de demander sans cesse de l’argent à Saint-Loup, obligé de se montrer très économe dans ses dépenses courantes pour en faire profiter son ami.

Albertine à cheval

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