d’après Agranska Krolik
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La Recherche constitue une vaste comédie humaine qui s’étend sur une quarantaine d’années et qui rassemble plusieurs centaines de personnages, nous en avons identifié plus de neuf cents. On comprend que dans une première approche de l’œuvre ce foisonnement puisse dérouter plus d’un. Mais rassurons les car l’auteur ne donnera réellement une existence en devenir qu’à environ deux cents d’entre eux car de nombreux autres ne sont que des figurants n’ayant pas de rôles significatifs ou bien ce sont des personnages historiques destinés à créer de simples effets de réel, des gens du Gotha, de la haute société, dont l’auteur utilise le nom à titre d’illustration.
Parmi les premiers rôles, citons, la tante Léonie, l’âme de la maison de Combray, Charles Swann l’ami de la famille, les domestiques de la maison dont la fidèle Françoise. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, le cercle s’élargit. On quitte Combray pour Paris, une douzaine d’années plus tôt, et l’on fait alors connaissance avec d’autres personnages qui gravitent autour de la fameuse Madame Verdurin : Brichot le professeur bavard et pédant, Cottard, le protégé de Mme Verdurin qu’elle ira jusqu’à appeler Docteur Dieu, Odette la demi-mondaine, et tant d’autres…
Puis c’est Cabourg où l’on découvre la bande de jeunes filles joyeuses, délurées et effrontées parmi lesquelles Albertine qui fait tourner la tête au Narrateur, Saint-Loup, un neveu de la duchesse de Guermantes, l’inquiétant Charlus qui deviendra un des acteurs clé..
Puis ce sont les hôtels particuliers et les salons du Faubourg Saint Germain, salons aristocratiques et littéraires de Mmes Verdurin, Guermantes, Saint-Euverte, Villeparisis où l’on parle politique, musique, peinture tout en moquant la toilette d’une duchesse ou les travers d’un vieux colonel.
On vit dans une société confinée, tournée vers le passé et non vers l’avenir. Le Narrateur participe de ce monde qu’il critique, tout en restant à distance. Parfois il se montre cruel avec ses personnages. Le paroxysme est atteint à la fin de l’œuvre, dans la description du bal chez le prince de Guermantes, dans Le Temps Retrouvé.
Marcel Proust est très lucide sur le monde qu’il a sous les yeux et dont il se plaît à souligner le côté vaniteux et superficiel mais, dans le même temps, on sent qu’il aime les acteurs de cette comédie.
Bien sûr, ces personnages jouent un rôle très inégal dans l’œuvre puisque certains apparaissent dès les toutes premières pages pour ne plus nous quitter, d’autres après avoir pris une grande place dans le déroulement de l’histoire disparaissent tout à coup, définitivement pensons nous, parfois oui mais parfois non car certains réapparaissent beaucoup plus tard alors qu’on les avait presque oubliés. Certains encore se transforment au fil du temps. En effet, bien souvent l’auteur donne à ses personnages plusieurs masques qui évoluent avec le changement de sa pensée, de son état de santé mais aussi en fonction des évènements extérieurs, en un mot, selon l’air du temps et ses états d’âme. Ainsi Charles Swann, homme fin est distingué, grand connaisseur des arts, modeste malgré les relations qu’il entretient avec les grands de ce monde, devient un bourgeois prétentieux après qu’il aura épousé Odette de Crécy, une ancienne cocotte qu’il a entretenue jadis. Morel, un des protégés de Mme Verdurin, présente durant la plus grande partie de la Recherche les aspects d’un personnage odieux, arriviste et sans aucun principe pour devenir, à la fin de l’oeuvre, dans le temps retrouvé, un homme de haute moralité.
Cette rubrique se décompose en six parties :
Ordre d’entrée en scène des personnages
Qui sont les jeunes filles en fleurs ?
Marcel Proust et l’aristocratie