Villeparisis (Marquise Madeleine de)

Villeparisis MmeMme de Villeparisis d’après David Richardson

Nombre de citations du personnage dans chacun des sept livres de la Recherche

Total

Swann

JF

Guer

SG

Pris

Fug

TR

379

7

102

200

26

16

17

11

Modèles possibles : Comtesse de Boigne ; marquise de Valtagnes ; comtesse Sophie de Beaulaincourt.

Née  Mlle de Bouillon. Elle est la tante d’Oriane de Guermantes et de Charlus, et la grand-tante de Robert de Saint-Loup.

Elle est l’amie d’enfance de la grand-mère du narrateur qu’elle a connue enfant, toute deux à la pension du Sacré-Cœur. C’est dans son hôtel particulier que les parents du narrateur vont louer leur nouvel appartement (1). Excepté la grand-mère, personne dans la famille du narrateur n’imagine que Mme de Villeparisis appartient à la famille des Guermantes d’ailleurs cette simple idée provoque l’hilarité générale (2). Le narrateur et sa grand-mère rencontrent Mme de Villeparisis en villégiature à Balbec.

Arrivée de Mme de Villeparisis au Grand Hôtel d’après Agranska Krolik

Celle-ci se montre très aimable et attentionnée et les invite fréquemment dans sa calèche pour des promenades quotidiennes autour de Balbec. Ils vont devenir inséparables (3).

Elle étonne par sa liberté de penser et la largesse de ses idées choses assez inhabituelle chez les personnes de son monde (4), ainsi, contrairement au clan des Guermantes, elle reçoit dans son salon Mme Swann, sachant très bien que cela ne plaît pas à son entourage  (5)

Un jour, au cours d’une promenade, elle raconte qu’elle a connu dans sa jeunesse les plus grands écrivains et musiciens, Chateaubriand, Vigny, Musset, Victor Hugo et parle d’eux sans concession (6).

Mme de Villeparisis reçoit à Balbec son petit-neveu  Robert de Saint-Loup qui dans un premier temps déplaît au narrateur  (7), de même, un peu plus tard, elle lui présentera, le baron de Charlus (8).

Le narrateur se rend compte combien cette dame qu’il connaît depuis qu’il est enfant est très apparentée à la famille des Guermantes (9).

Mme de Villeparisis a une liaison avec M. de Norpois, liaison connue de tout le monde mais que celui-ci continue à vouloir cacher (10), Mais le temps passant ils s’afficheront ensemble pendant plus d’un mois dans un grand hôtel de Venise (11). Le narrateur est déçu d’apprendre que Mme de Villeparisis, demoiselle de la très noble famille de Bouillon, a épousé un roturier qui a adopté le nom de sa ville natale (12).

Mme de Villeparisis a été mariée en première noce avec le duc d’Havré. On apprend dans la Fugitive que  dans sa jeunesse, belle comme un ange, méchante comme un démon, elle a eu une aventure avec le père de Mme Sazerat qu’elle a beaucoup fait souffrir. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles Mme de Villeparisis a toujours eu une place un peu particulière dans le milieu Guermantes (13).

(1)
Pourtant un jour que ma grand’mère était allée demander un service à une dame qu’elle avait connue au Sacré-Cœur (et avec laquelle, à cause de notre conception des castes elle n’avait pas voulu rester en relations malgré une sympathie réciproque), la marquise de Villeparisis, de la célèbre famille de Bouillon, celle-ci lui avait dit : « Je crois que vous connaissez beaucoup M. Swann qui est un grand ami de mes neveux des Laumes ». Ma grand’mère était revenue de sa visite enthousiasmée par la maison qui donnait sur des jardins et où Mme de Villeparisis lui conseillait de louer,… (Swann 20/70)
(2)
Ma grand’mère qui à force de se désintéresser des personnes finissait par confondre tous les noms, chaque fois qu’on prononçait celui de la Duchesse de Guermantes prétendait que ce devait être une parente de Mme de Villeparisis. Tout le monde éclatait de rire ; elle tâchait de se défendre en alléguant une certaine lettre de faire part : « Il me semblait me rappeler qu’il y avait du Guermantes là-dedans. » Et pour une fois j’étais avec les autres contre elle, ne pouvant admettre qu’il y eût un lien entre son amie de pension et la descendante de Geneviève de Brabant. (Swann 104/174)
(3)
Telle, dans sa couleur unique, elle nous invitait à la promenade sur ces routes grossières et terriennes, d’où, installés dans la calèche de Mme de Villeparisis, nous apercevions tout le jour et sans jamais l’atteindre la fraîcheur de sa molle palpitation. (JF 705/273)
(4)
Nous fûmes étonnés, ma grand’mère et moi, de voir combien elle était plus « libérale » que même la plus grande partie de la bourgeoisie. Elle s’étonnait qu’on fût scandalisé des expulsions des jésuites, disant que cela s’était toujours fait, même sous la monarchie, même en Espagne. Elle défendait la République à laquelle elle ne reprochait son anticléricalisme que dans cette mesure : « Je trouverais tout aussi mauvais qu’on m’empêchât d’aller à la messe si j’en ai envie que d’être forcée d’y aller si je ne le veux pas », lançant même certains mots comme : « Oh ! la noblesse aujourd’hui, qu’est-ce que c’est ! » « Pour moi, un homme qui ne travaille pas, ce n’est rien », peut-être seulement parce qu’elle sentait ce qu’ils prenaient de piquant, de savoureux, de mémorable dans sa bouche. (JF 709/277)
(5)
Ecoute, dit Mme de Villeparisis à la duchesse de Guermantes, je crois que j’aurai tout à l’heure la visite d’une femme que tu ne veux pas connaître, j’aime mieux te prévenir pour que cela ne t’ennuie pas. D’ailleurs, tu peux être tranquille, je ne l’aurai jamais chez moi plus tard, mais elle doit venir pour une seule fois aujourd’hui. C’est la femme de Swann.
Mme Swann, voyant les proportions que prenait l’affaire Dreyfus et craignant que les origines de son mari ne se tournassent contre elle, l’avait supplié de ne plus jamais parler de l’innocence du condamné. (Guer 252/243)
(6)
M. de Chateaubriand venait bien souvent chez mon père. Il était du reste agréable quand on était seul parce qu’alors il était simple et amusant, mais dès qu’il y avait du monde, il se mettait à poser et devenait ridicule ;…Au nom de Vigny elle se mit à rire….D’abord je ne suis pas sûre qu’il le fût [comte], et il était en tout cas de très petite souche, ce monsieur qui a parlé dans ses vers de son « cimier de gentilhomme »…Comme c’est Musset, simple bourgeois de Paris, qui disait emphatiquement : « L’épervier d’or dont mon casque est armé. » Jamais un vrai grand seigneur ne dit de ces choses-là. Au moins Musset avait du talent comme poète. (JF 721/289)
(7)
Quelle déception j’éprouvai les jours suivants quand, chaque fois que je le rencontrai dehors ou dans l’hôtel, — le col haut, équilibrant perpétuellement les mouvements de ses membres autour de son monocle fugitif et dansant qui semblait leur centre de gravité, — je pus me rendre compte qu’il ne cherchait pas à se rapprocher de nous et vis qu’il ne nous saluait pas quoiqu’il ne pût ignorer que nous étions les amis de sa tante. (JF 730/297)
(8)
Comment, allez-vous, je vous présente mon neveu, le baron de Guermantes, me dit Mme de Villeparisis, pendant que l’inconnu, sans me regarder, grommelant un vague « Charmé », qu’il fit suivre de : « Heue, heue, heue », pour donner à son amabilité quelque chose de forcé, et repliant le petit doigt, l’index et le pouce, me tendait le troisième doigt et l’annulaire, dépourvus de toute bague, que je serrai sous son gant de Suède ; puis sans avoir levé les yeux sur moi il se détourna vers Mme de Villeparisis.
Mon Dieu, est-ce que je perds la tête, dit celle-ci, voilà que je t’appelle le baron de Guermantes. Je vous présente le baron de Charlus. Après tout l’erreur n’est pas si grande, ajouta-t-elle, tu es bien un Guermantes tout de même. (JF 753/320)
(9)
Ainsi s’apparentait et de tout près aux Guermantes, cette Mme de Villeparisis, restée si longtemps pour moi la dame qui m’avait donné une boîte de chocolat tenue par un canard, quand j’étais petit, plus éloignée alors du côté de Guermantes que si elle avait été enfermée dans le côté de Méséglise, moins brillante, moins haut située par moi que l’opticien de Combray, et qui maintenant subissait brusquement une de ces hausses fantastiques, parallèles aux dépréciations non moins imprévues d’autres objets que nous possédons, lesquelles — les unes comme les autres — introduisent dans notre adolescence et dans les parties de notre vie où persiste un peu de notre adolescence, des changements aussi nombreux que les métamorphoses d’Ovide. (JF 754/321)
(10)
Le maître d’hôtel n’avait pas dû exécuter d’une façon complète la commission dont il venait d’être chargé pour M. de Norpois. Car celui-ci, pour faire croire qu’il arrivait du dehors et n’avait pas encore vu la maîtresse de la maison, prit au hasard un chapeau dans l’antichambre et vint baiser cérémonieusement la main de Mme de Villeparisis, en lui demandant de ses nouvelles avec le même intérêt qu’on manifeste après une longue absence. Il ignorait que la marquise de Villeparisis avait préalablement ôté toute vraisemblance à cette comédie, à laquelle elle coupa court d’ailleurs en emmenant M. de Norpois et Bloch dans un salon voisin.  (Guer 221/212)
(11)
Alors M. de Villeparisis ne va pas tarder à descendre. Depuis un mois qu’ils sont ici ils n’ont mangé qu’une fois l’un sans l’autre « , dit le garçon.
Je me demandais quel était celui de ses parents avec lequel elle voyageait et qu’on appelait M. de Villeparisis, quand je vis, au bout de quelques instants, s’avancer vers la table et s’asseoir à côté d’elle son vieil amant, M. de Norpois. (Fug 631/211)
(12)
Ma tante a épousé par amour un M. Thirion, d’ailleurs excessivement riche, et dont les sœurs étaient très bien mariées et qui, à partir de ce moment-là, s’est appelé le marquis de Villeparisis. Cela n’a fait de mal à personne, tout au plus un peu à lui, et bien peu ! Quant à la raison, je ne sais pas ; je suppose que c’était, en effet, un monsieur de Villeparisis, un monsieur né à Villeparisis, vous savez que c’est une petite localité près de Paris. Ma tante a prétendu qu’il y avait ce marquisat dans la famille, elle a voulu faire les choses régulièrement, je ne sais pas pourquoi. Du moment qu’on prend un nom auquel on n’a pas droit, le mieux est de ne pas simuler des formes régulières. (Guer 294/284)
(13)

Mais Mme de Villeparisis, c’était en premières noces la duchesse d’Havré, belle comme un ange, méchante comme un démon, qui a rendu fou mon père, l’a ruiné et abandonné aussitôt après. Eh bien ! elle a beau avoir agi avec lui comme la dernière des filles, avoir été cause que j’ai dû, moi et les miens, vivre petitement à Combray, maintenant que mon père est mort, ma consolation c’est qu’il ait aimé la plus belle femme de son époque, et comme je ne l’ai jamais vue, malgré tout ce sera une douceur… (Fug 634/214)

 Note

Compte tenu du grand nombre de personnages, de la durée de la rédaction de « la Recherche » et enfin des méthodes de travail de l’auteur avec ajouts incessants, ratures et corrections au moyens des fameuses paperoles, il arrive parfois à l’auteur de laisser passer des incohérences. Ainsi, dans « la Prisonnière », au cours d’une soirée chez Mme Verdurin, Proust fait mourir la marquise de Villeparisis la tante de Charlus.

Embarrassé, je fis dériver la conversation en m’emparant du nom de Mme de Villeparisis, et en disant la tristesse que m’avait causée sa mort . « Ah ! Oui », murmura sèchement M. de Charlus avec l’intonation la plus insolente, prenant acte de mes condoléances sans avoir l’air de croire une seconde à leur sincérité.  (Pris 293/281)

Pour la faire ressusciter un peu plus tard dans « la Fugitive ». En effet, le narrateur en villégiature à Venise avec sa mère a la surprise d’apercevoir la marquise en compagnie de son vieil amant le baron de Norpois.

Je n’eus pas de peine, malgré l’air de tristesse et de fatigue que donne l’appesantissement des années et malgré une sorte d’eczéma, de lèpre rouge qui couvrait sa figure, à reconnaître sous son bonnet, dans sa cotte noire faite chez W…, mais, pour les profanes, pareille à celle d’une vieille concierge, la marquise de Villeparisis. Le hasard fit que l’endroit où j’étais, debout, en train d’examiner les vestiges d’une fresque, se trouvait, le long des belles parois de marbre, exactement derrière la table où venait de s’asseoir Mme de Villeparisis. » Alors M. de Villeparisis ne va pas tarder à descendre. Depuis un mois qu’ils sont ici ils n’ont mangé qu’une fois l’un sans l’autre « , dit le garçon. Je me demandais quel était celui de ses parents avec lequel elle voyageait et qu’on appelait M. de Villeparisis, quand je vis, au bout de quelques instants, s’avancer vers la table et s’asseoir à côté d’elle son vieil amant, M. de Norpois. (Fug 631 ou 211)

 

 

 

 

 

 

5 réflexions sur « Villeparisis (Marquise Madeleine de) »

  1. Il y a un mystère avec Mme de Villeparisis. Elle meurt dans « La prisonnière ». Le narrateur présente ses condoléances à son neveu le Baron de Charlus à l’occasion de son décès. Et elle réapparait au bras de M. de Norpois à Venise dans « La fugitive ».
    « La Fugitive » et le « Temps retrouvé » ont parus après la mort de Proust. Peut-être n’a-t-il pas pu se relire !

  2. Et dans le même volume de la Prisonnière…. en rentrant de chez les Verdurin où il est question de la mort de Mme Villeparisis le narrateur prétend auprès d’Albertine d’aller à une soirée chez Mme Villeparisis . Mais il en va de même pour le docteur Cottard … et Saniette qui meurt quelques semaines après ou quelques années !

  3. Bonjour et merci pour votre immense travail.
    Pourriez-vous nous indiquer à quel endroit de la recherche nous est livré le prenom de Mme de Villeparisis ?
    En vous remerciant

    • Bonjour,
      Madeleine, le prénom de Mme de Villeparisis, n’est cité que deux fois dans « la Recherche », et les deux fois dans dans « le côté de Guermantes ». La première fois, page 504, dans la collection la Pléiade ed. 1954 et page 488 collection folio classique 1988 (Je dois dire que cela arrive chez la tante Madeleine (Mme de Villeparisis) qu’on serve des choses en putréfaction, même des œufs) et la deuxième fois, quelques lignes après : (Bref, la tante Madeleine, qui n’a pas sa langue dans sa poche, lui a riposté : « Hé, monsieur, que garderez-vous alors pour M. de Bossuet. »
      Proustement vôtre
      AV

  4. Tout comme vous , André Vincent, longtemps je fus rebute par la lecture de Proust. Grâce à votre site, travail titanesque, j’ai déniché des pépites dans les extraits bien choisis. Les aubépines, poésie d’une délicatesse infinie. Son acuité sur autrui, notamment la jalousie de Françoise qui régnait en despote sur les domestiques. Ce que j’ aime par dessus tout, c’ est son humour , son auto- dérision , le ridicule de ces mondains dont il fait partie intégrante, son ironie féroce parfois .Pierre Desproges a une filiation certaine avec Proust.
    Merci encore de m’ avoir initiée à l’ œuvre de Proust, ce monument de la littérature. Je vous joins en pj par mail un pastiche que je me suis amusée à écrire .

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