Swann (Charles)

d’après Agranska Krolik

 

Nombre de citations du personnage dans chacun des sept livres de la Recherche

Total Swann JF Guer SG Pris Fug TR
1646 700 457 110 138 62 93 86

Modèle probable : Charles Haas

.

Charles Swann est un dandy fortuné, discret et élégant qui fréquente les plus grandes familles de l’aristocratie parisienne. C’est un fin connaisseur des arts. On ne lui connaît aucune activité professionnelle si ce n’est la rédaction d’une biographie du peintre flamand  Veer Mer, œuvre toujours sur le chantier ce qui rappelle les velléités d’écriture de Marcel Proust sans cesse contrecarrées par des problèmes annexes (excepté dans ses dernières années). Charmeur, lucide et souvent ironique, Swann plaît beaucoup au narrateur qui se reconnaît en lui.

Il apparaît dans « la Recherche » dès le début de l’œuvre. Il a une propriété aux environs de Combray, un château, et a l’habitude de rendre visite à la famille du narrateur qui séjourne elle aussi à Combray durant les vacances, chez tante Léonie (1).

Château de Tansonville (Swann)

Le château de Tansonville situé près d’Illiers-Combray a servi de modèle à la propriété de Swann

Son mariage avec Odette de Crécy, une demie mondaine a été très mal perçu par la petite bourgeoisie de Combray et les parents du narrateur ont toujours refusé de la rencontrer car ils ont eux aussi une piètre opinion de la femme de Swann. Celui-ci en est d’ailleurs tout à fait conscient et ne se rend jamais chez les parents du narrateur avec elle (2).

Il est le fils d’une famille juive très fortunée, son père était agent de change à Paris.  Il est d’une grande discrétion et personne à Combray n’imagine que c’est un mondain qui mène à Paris une vie brillante et côtoie les plus grandes célébrités (3).

Chaque soir, après s’être couché, le narrateur enfant attend avec impatience que sa mère monte l’embrasser dans son lit. Il en veut à Swann car lorsque celui-ci vient visiter ses parents après le repas du soir, le protocole habituel du coucher est bouleversé puisque sa mère ne monte pas dans sa chambre ou ne le fait que tardivement (4).

Le narrateur a beaucoup d’admiration pour un écrivain à la mode, Bergotte, qui lui a été recommandé par son ami un peu plus âgé que lui, Bloch. Swann connaît également  Bloch et trouve qu’il ressemble beaucoup au portrait de Mahomet II de Bellini (5). Il connaît également très bien Bergotte et se montre très prolixe lorsqu’il parle de lui (6).

Le narrateur et sa famille ont l’habitude de faire des promenades aux alentours de Combray. L’une d’elle était appelée « le côté de chez Swann » (7). Un jour, au cours d’une de ces promenades, le narrateur entend son grand-père faire une remarque sur le triste sort de Swann dont la femme, Odette, aurait une aventure avec Charlus (8).

On apprend qu’avant son mariage, Swann changeait fréquemment de maîtresse jusqu’au jour où un ami lui a présenté Odette de Crécy. Cela  n’a  pas été le coup de foudre, loin de là, et pourtant il s’est attaché à elle (9). Odette de Crécy qui n’est pas insensible à l’intérêt que lui porte Swann demande à Mme  Verdurin de recevoir son nouvel ami  à ses soirées artistiques(10). Celle-ci accepte volontiers et va favoriser leur rapprochement (11).

Peu à peu Swann s’éprend follement d’Odette et devient très jaloux. Aveuglé par l’amour il ne voit pas ou ne veut pas voir qu’Odette est une femme facile. Il mettra du temps avant de lui demander ses faveurs. Un soir elle devient sa maîtresse dans la voiture qui les ramène chez elle (12). A partir de ce jour  il prendra l’habitude de se rendre chez elle toutes les nuits (13).

Swann et Odette

Swann et Odette ?

Chez les Verdurin on a coutume de faire de la musique et d’écouter régulièrement la sonate de Vinteuil ; un court passage de cette sonate, « la petite phrase » a un grand succès et va accompagner les amours de Swann et d’Odette (14).

Un jour Odette demande aux Verdurin d’inviter M. de Forcheville.  Swann n’apprécie pas du tout (15). Plus Odette se montre distante avec lui plus son amour pour elle s’accroît et plus sa jalousie s’exacerbe. Il lui donne régulièrement de l’argent lorsqu’elle déclare être dans l’embarras (16) ou bien lui fait de somptueux cadeaux dans les moments où ses soupçons se calment un peu (17)

A une soirée chez les Verdurin,  Swann raconte qu’il est régulièrement invité chez le président de la République Jules Grévy. Mme Verdurin possessive et jalouse ne tolère pas qu’un de ses invités puisse fréquenter une maison plus huppée que la sienne (18). Les relations entre Mme Verdurin et Swann se tendent et la rupture est inévitable (19). Dans un esprit de vengeance, Mme Verdurin va désormais s’employer à favoriser une idylle entre Odette et M. de Forcheville. (20). Swann habituellement maître de ses émotions rentre dans une colère violente et n’a pas de mots assez durs pour qualifier les Verdurin et leur clan ; à partir de ce moment Swann ne fréquentera plus le salon des Verdurin (21).

Avec le temps, Swann constate qu’Odette perd de son éclat et de sa beauté mais il l’en aime que plus (22). Pourtant il sent bien qu’Odette lui échappe. Il va jusqu’à lui verser une sorte de salaire pour la dédommager de l’embarras qu’il pense lui causer en allant la voir. Il ne se rend pas compte alors, aveuglé par l’amour et la jalousie, qu’il se conduit comme un client avec une prostituée (23). Un jour, il reçoit une lettre anonyme l’informant des turpitudes d’Odette. Bien qu’il ait eu depuis quelques temps un faisceau d’informations allant dans le sens des révélations de la lettre, Swann aveuglé par son amour refuse d’admettre l’évidence. Sa première réaction est de se désoler à l’idée qu’il puisse avoir  un ami capable de lui adresser une telle lettre (24). Mais les accusations de la lettre anonyme restent constamment présentes dans l’esprit de Swann qui devient de plus en plus jaloux et inquisiteur. Odette fait des demis aveux, ment effrontément, se montre maladroite dans ses explications ce qui calme parfois Swann mais aussitôt lui donnent motif à des doutes nouveaux (25). La jalousie de Swann est de plus en plus vive et il en arrive à espionner les faits et gestes de sa maîtresse (26).

Odette s’absente fréquemment de Paris pour faire des croisières sur le yacht des Verdurin. L’une d’elle va durer près d’un an. Ces absences longues et répétées vont permettre d’apaiser quelque peu la tension qui existe dans les relations entre les deux amants  (27). Puis Swann aura un jour la preuve qu’Odette le trompe avec Forcheville. Il cessera à partir de cet instant de l’aimer (28) et le livre « un Amour de Swann se termine sur une pensée surprenante (29). Quelques années après, lors d’un  repas chez les parents du Narrateur (au cours duquel est servi le fameux bœuf en gelée), M. de Norpois rapporte que durant son idylle avec Odette, Swann lui a fait un enfant (Gilberte) et que c’est après des années de chantage et de manœuvres qu’elle a enfin réussi à se faire épouser  (29)

L’histoire reprend plusieurs années après. Bien que ne l’aimant plus, Swann a épousé Odette avec laquelle ils ont eu une fille, Gilberte, qui a sensiblement le même âge que le narrateur. Les parents de ce dernier n’ont pas accepté ce mariage de Swann et le père du narrateur en arrive à être très violent lorsqu’on évoque l’idée d’inviter à déjeuner Swann en même temps que M. de Norpois (30).

Le narrateur revoit Swann lorsque celui-ci vient chercher sa fille, Gilberte, que la gouvernante vient promener aux Champs-Elysées (31) Il éprouve beaucoup d’admiration pour lui (32). Un jour que le narrateur confie à Gilberte qu’il a beaucoup d’admiration pour ses parents, celle-ci, cruelle lui répond que ses parents ne l’aiment pas et ne seraient pas mécontents que les deux enfants cessent de se voir (33). Le malentendu est vite levé et bientôt le narrateur reçoit une lettre de Gilberte Swann qui l’invite à venir chez elle (34). Ce sera le prélude à de nombreuses autres visites. Les parents de Gilberte accueillent le narrateur avec beaucoup de gentillesse, Swann se montrant avec lui attentif et bienveillant (35).

Curieusement Swann fait preuve de beaucoup de patience envers sa femme qu’il n’aime plus. Peut-être a-t-il encore pour elle un reste de tendresse (36). Alors qu’Odette l’a tant fait souffrir par le passé, il ne souhaite pas se venger en la faisant souffrir à son tour et veille à tenir secrètes ses aventures amoureuses (37).

Devenu adulte, le narrateur rencontre fréquemment Swann dans les nombreuses réceptions données par la haute société du faubourg Saint-Germain.

Swann tombe malade et le narrateur est étonné des effets de la maladie sur son physique (38).

L’affaire Dreyfus occupe toutes les discussions. La grande majorité des personnes que côtoie Swann sont contre Dreyfus ce qui lui pose des problèmes (39) mais peu à peu certaines personnes, mêmes parmi les antidreyfusards les plus convaincus, vont changer d’opinion. Tel est le cas du prince de Guermantes, de Robert de Saint-Loup et d’autres ce qui réconforte Swann de plus en plus affaibli (40).

Quelques temps après, le narrateur apprend avec beaucoup de peine la mort de Charles Swann (41).

Chose rare dans « la Recherche », le narrateur s’identifie à l’auteur et porte un jugement posthume sur Swann. Il note que c’est peut-être grâce à lui, l’auteur, « petit imbécile » que Swann continuera à vivre pour la postérité (42).

 

(1)

Le monde se bornait habituellement à M. Swann, qui, en dehors de quelques étrangers de passage, était à peu près la seule personne qui vînt chez nous à Combray, quelquefois pour dîner en voisin (plus rarement depuis qu’il avait fait ce mauvais mariage, parce que mes parents ne voulaient pas recevoir sa femme), quelquefois après le dîner, à l’improviste…(Swann 13/62)

… »Je reconnais la voix de Swann. » On ne le reconnaissait en effet qu’à la voix, on distinguait mal son visage au nez busqué, aux yeux verts, sous un haut front entouré de cheveux blonds presque roux, coiffés à la Bressant, parce que nous gardions le moins de lumière possible au jardin pour ne pas attirer les moustiques et j’allais, sans en avoir l’air, dire qu’on apportât les sirops. (Swann 14/63)

(2)

Cette opinion de mes parents sur les relations de Swann leur parut ensuite confirmée par son mariage avec une femme de la pire société, presque une cocotte que, d’ailleurs, il ne chercha jamais à présenter, continuant à venir seul chez nous, quoique de moins en moins, mais d’après laquelle ils crurent pouvoir juger—supposant que c’était là qu’il l’avait prise—le milieu, inconnu d’eux, qu’il fréquentait habituellement. (Swann 20/71)

(3)

L’ignorance où nous étions de cette brillante vie mondaine que menait Swann tenait évidemment en partie à la réserve et à la discrétion de son caractère, mais aussi à ce que les bourgeois d’alors se faisaient de la société une idée un peu hindoue et la considéraient comme composée de castes fermées où chacun, dès sa naissance, se trouvait placé dans le rang qu’occupaient ses parents, et d’où rien, à moins des hasards d’une carrière exceptionnelle ou d’un mariage inespéré, ne pouvait vous tirer pour vous faire pénétrer dans une caste supérieure. (Swann 16/65)

(4)

Mais ces soirs-là, où maman en somme restait si peu de temps dans ma chambre, étaient doux encore en comparaison de ceux où il y avait du monde à dîner et où, à cause de cela, elle ne montait pas me dire bonsoir. (Swann 13/62)

(5)

Un dimanche, pendant ma lecture au jardin, je fus dérangé par Swann qui venait voir mes parents.

— »Qu’est-ce que vous lisez, on peut regarder ? Tiens, du Bergotte ? Qui donc vous a indiqué ses ouvrages ? » Je lui dis que c’était Bloch.

— »Ah ! oui, ce garçon que j’ai vu une fois ici, qui ressemble tellement au portrait de Mahomet II par Bellini. Oh ! c’est frappant, il a les mêmes sourcils circonflexes, le même nez recourbé, les mêmes pommettes saillantes. Quand il aura une barbiche ce sera la même personne. En tout cas il a du goût, car Bergotte est un charmant esprit. (Swann 97/166)

(6)

Et voyant combien j’avais l’air d’admirer Bergotte, Swann qui ne parlait jamais des gens qu’il connaissait fit, par bonté, une exception et me dit :

— »Je le connais beaucoup, si cela pouvait vous faire plaisir qu’il écrive un mot en tête de votre volume, je pourrais le lui demander. » Je n’osai pas accepter mais posai à Swann des questions sur Bergotte. « Est-ce que vous pourriez me dire quel est l’acteur qu’il préfère ? »

— »L’acteur, je ne sais pas. Mais je sais qu’il n’égale aucun artiste homme à la Berma qu’il met au-dessus de tout. L’avez-vous entendue ? »

— »Non monsieur, mes parents ne me permettent pas d’aller au théâtre. »— »C’est malheureux. Vous devriez leur demander. (Swann 97/166)

(7)

Car il y avait autour de Combray deux « côtés » pour les promenades, et si opposés qu’on ne sortait pas en effet de chez nous par la même porte, quand on voulait aller d’un côté ou de l’autre : le côté de Méséglise-la-Vineuse, qu’on appelait aussi le côté de chez Swann parce qu’on passait devant la propriété de M. Swann pour aller par là, et le côté de Guermantes. (Swann 134/211)

(8)

Un instant (tandis que nous nous éloignions et que mon grand-père murmurait : « Ce pauvre Swann, quel rôle ils lui font jouer : on le fait partir pour qu’elle [Mme Swann] reste seule avec son Charlus, car c’est lui, je l’ai reconnu ! (Swann 142/221)

(9)

Mais tandis que chacune de ces liaisons, ou chacun de ces flirts, avait été la réalisation plus ou moins complète d’un rêve né de la vue d’un visage ou d’un corps que Swann avait, spontanément, sans s’y efforcer, trouvés charmants, en revanche quand un jour au théâtre il fut présenté à Odette de Crécy par un de ses amis d’autrefois, qui lui avait parlé d’elle comme d’une femme ravissante avec qui il pourrait peut-être arriver à quelque chose, mais en la lui donnant pour plus difficile qu’elle n’était en réalité afin de paraître lui-même avoir fait quelque chose de plus aimable en la lui faisant connaître, elle était apparue à Swann non pas certes sans beauté, mais d’un genre de beauté qui lui était indifférent, qui ne lui inspirait aucun désir, lui causait même une sorte de répulsion physique, de ces femmes comme tout le monde a les siennes, différentes pour chacun, et qui sont l’opposé du type que nos sens réclament. (Swann 195).Odette de Crécy retourna voir Swann, puis rapprocha ses visites ; et sans doute chacune d’elles renouvelait pour lui la déception qu’il éprouvait à se retrouver devant ce visage dont il avait un peu oublié les particularités dans l’intervalle,Mais, quand Odette était partie, Swann souriait en pensant qu’elle lui avait dit combien le temps lui durerait jusqu’à ce qu’il lui permît de revenir ; (Swann 197/290)

(10)

Certes le « petit noyau » n’avait aucun rapport avec la société où fréquentait Swann, et de purs mondains auraient trouvé que ce n’était pas la peine d’y occuper comme lui une situation exceptionnelle pour se faire présenter chez les Verdurin. Mais Swann aimait tellement les femmes, qu’à partir du jour où il avait connu à peu près toutes celles de l’aristocratie et où elles n’avaient plus rien eu à lui apprendre, il n’avait plus tenu à ces lettres de naturalisation, presque des titres de noblesse, que lui avait octroyées le faubourg Saint-Germain, que comme à une sorte de valeur d’échange, de lettre de crédit dénuée de prix en elle-même, mais lui permettant de s’improviser une situation dans tel petit  trou de province ou tel milieu obscur de Paris, où la fille du hobereau ou du greffier lui avait semblé jolie. (Swann 191/279)

(11)

Odette était allée s’asseoir sur un canapé de tapisserie qui était près du piano : —Vous savez, j’ai ma petite place, dit-elle à Mme Verdurin. Celle-ci, voyant Swann sur une chaise, le fit lever :— »Vous n’êtes pas bien là, allez donc vous mettre à côté d’Odette, n’est-ce pas Odette, vous ferez bien une place à M. Swann ? » (Swann 207/303)

(12)

Mais il était si timide avec elle, qu’ayant fini par la posséder ce soir-là, en commençant par arranger ses catleyas, soit crainte de la froisser, soit peur de paraître rétrospectivement avoir menti, soit manque d’audace pour formuler une exigence plus grande que celle-là (qu’il pouvait renouveler puisqu’elle n’avait pas fiché Odette la première fois), les jours suivants il usa du même prétexte. Si elle avait des catleyas à son corsage, il disait : « C’est malheureux, ce soir, les catleyas n’ont pas besoin d’être arrangés, ils n’ont pas été déplacés comme l’autre soir ; (Swann 233/335)

(13)

S’il arrivait après l’heure où Odette envoyait ses domestiques se coucher, avant de sonner à la porte du petit jardin, il allait d’abord dans la rue, où donnait au rez-de-chaussée, entre les fenêtres toutes pareilles, mais obscures, des hôtels contigus, la fenêtre, seule éclairée, de sa chambre. Il frappait au carreau, et elle, avertie, répondait et allait l’attendre de l’autre côté, à la porte d’entrée. (Swann 236/338)

(14)

Swann racontait à Odette comment il avait été amoureux de cette petite phrase. Quand Mme Verdurin, ayant dit d’un peu loin : « Eh bien ! il me semble qu’on est en train de vous dire de belles choses, Odette« , elle répondit : « Oui, de très belles » et Swann trouva délicieuse sa simplicité. Cependant il demandait des renseignements sur Vinteuil, sur son œuvre, sur l’époque de sa vie où il avait composé cette sonate, sur ce qu’avait pu signifier pour lui la petite phrase, c’est cela surtout qu’il aurait voulu savoir. (Swann 212/309)

(15)

Enfin, peut-être avait-il surtout perdu, ce soir-là, de son indulgence en voyant l’amabilité que Mme Verdurin déployait pour ce Forcheville qu’Odette avait eu la singulière idée d’amener. Un peu gênée vis-à-vis de Swann, elle lui avait demandé en arrivant :—Comment trouvez-vous mon invité ? et  lui, s’apercevant pour la première fois que Forcheville qu’il connaissait depuis longtemps pouvait plaire à une femme et était assez bel homme, avait répondu : « Immonde ! » Certes, il n’avait pas l’idée d’être jaloux d’Odette, mais il ne se sentait pas aussi heureux que d’habitude … (Swann 253/359)

(16)

Souvent elle avait des embarras d’argent et, pressée par une dette, le priait de lui venir en aide. Il en était heureux comme de tout ce qui pouvait donner à Odette une grande idée de l’amour qu’il avait pour elle, ou simplement une grande idée de son influence, de l’utilité dont il pouvait lui être. Sans doute si on lui avait dit au début : « c’est ta situation qui lui plaît », et maintenant : « c’est pour ta fortune qu’elle t’aime », il ne l’aurait pas cru, et n’aurait pas été d’ailleurs très mécontent qu’on se la figurât tenant à lui,—qu’on les sentît unis l’un à l’autre—par quelque chose d’aussi fort que le snobisme ou l’argent. (Swann 267/376)

(17)

Après ces tranquilles soirées, les soupçons de Swann étaient calmés ; il bénissait Odette et le lendemain, dès le matin, il faisait envoyer chez elle les plus beaux bijoux, parce que ces bontés de la veille avaient excité ou sa gratitude, ou le désir de les voir se renouveler, ou un paroxysme d’amour qui avait besoin de se dépenser. (Swann 300/417)

(18)

Je le connais un peu, nous avons des amis communs (il n’osa pas dire que c’était le prince de Galles), du reste il invite très facilement et je vous assure que ces déjeuners n’ont rien d’amusant, ils sont d’ailleurs très simples, on n’est jamais plus de huit à table, répondit Swann qui tâchait d’effacer ce que semblaient avoir de trop éclatant aux yeux de son interlocuteur, des relations avec le Président de la République.…— »Ah ! je vous crois qu’ils ne doivent pas être amusants ces déjeuners, vous avez de la vertu d’y aller, dit Mme Verdurin, à qui le Président de la République apparaissait comme un ennuyeux particulièrement redoutable parce qu’il disposait de moyens de séduction et de contrainte qui, employés à l’égard des fidèles, eussent été capables de les faire lâcher. Il paraît qu’il est sourd comme un pot et qu’il mange avec ses doigts. » (Swann 217/314)

(19)

On me paierait bien cher que je ne laisserais pas entrer ça chez moi », conclut Mme Verdurin, en regardant Swann d’un air impérieux. (Swann 259/367)

As-tu remarqué comme Swann a ri d’un rire niais quand nous avons parlé de Mme La Trémoïlle ? » (Swann 264/374)

Il n’est pas franc, c’est un monsieur cauteleux, toujours entre le zist et le zest. Il veut toujours ménager la chèvre et le chou. (Swann 264/374)

(20)

— »Odette, nous vous ramenons, dit Mme Verdurin, nous avons une petite place pour vous à côté de M. de Forcheville.— »Oui, Madame », répondit Odette.

— »Comment, mais je croyais que je vous reconduisais », s’écria Swann, disant sans dissimulation, les mots nécessaires, car la portière était ouverte, les secondes étaient comptées, et il ne pouvait rentrer sans elle dans l’état où il était.

— »Mais Mme Verdurin m’a demandé… »

— »Voyons, vous pouvez bien revenir seul, nous vous l’avons laissée assez de fois, dit Mme Verdurin. »

—Mais c’est que j’avais une chose importante à dire à Madame.

—Eh bien ! vous la lui écrirez…

—Adieu, lui dit Odette en lui tendant la main.

Il essaya de sourire mais il avait l’air atterré. (Swann 285/398)

(21)

…le salon des Verdurin, qui tout à l’heure encore lui semblait amusant, respirant un goût vrai pour l’art et même une sorte de noblesse morale, maintenant que c’était un autre que lui qu’Odette allait y rencontrer, y aimer librement, lui exhibait ses ridicules, sa sottise, son ignominie.…

Il y aurait là les Cottard, peut-être Brichot.  »Est-ce assez grotesque cette vie de petites gens qui vivent les uns sur les autres, qui se croiraient perdus, ma parole, s’ils ne se retrouvaient pas tous demain à Chatou  !

Toute narine un peu délicate se détournerait avec horreur pour ne pas se laisser offusquer par de tels relents. C’est vraiment incroyable de penser qu’un être humain peut ne pas comprendre qu’en se permettant un sourire à l’égard d’un semblable qui lui a tendu loyalement la main, il se dégrade jusqu’à une fange d’où il ne sera plus possible à la meilleure volonté du monde de jamais le relever. J’habite à trop de milliers de mètres d’altitude au-dessus des bas-fonds où clapotent et clabaudent de tels sales papotages, pour que je puisse être éclaboussé par les plaisanteries d’une Verdurin, s’écria-t-il, en relevant la tête, en redressant fièrement son corps en arrière. (Swann 286/400)

(22)

Physiquement, elle traversait une mauvaise phase : elle épaississait ; et le charme expressif et dolent, les regards étonnés et rêveurs qu’elle avait autrefois semblaient avoir disparu avec sa première jeunesse. De sorte qu’elle était devenue si chère à Swann au moment pour ainsi dire où il la trouvait précisément bien moins jolie. Il la regardait longuement pour tâcher de ressaisir le charme qu’il lui avait connu, et ne le retrouvait pas. Mais savoir que sous cette chrysalide nouvelle, c’était toujours Odette qui vivait, toujours la même volonté fugace, insaisissable et sournoise, suffisait à Swann pour qu’il continuât de mettre la même passion à chercher à la capter. (Swann 291/406)

(23)

S’il était obligé de donner des excuses aux gens du monde pour ne pas leur faire de visites, c’était de lui en faire qu’il cherchait à s’excuser auprès d’Odette. Encore les payait-il (se demandant à la fin du mois, pour peu qu’il eût un peu abusé de sa patience et fût allé souvent la voir, si c’était assez de lui envoyer quatre mille francs), et pour chacune trouvait un prétexte, un présent à lui apporter, un renseignement dont elle avait besoin,… (Swann 311/431)

(24)

Un jour il reçut une lettre anonyme, qui lui disait qu’Odette avait été la maîtresse d’innombrables hommes (dont on lui citait quelques-uns parmi lesquels Forcheville, M. de Bréauté et le peintre), de femmes, et qu’elle fréquentait les maisons de passe. Il fut tourmenté de penser qu’il y avait parmi ses amis un être capable de lui avoir adressé cette lettre (car par certains détails elle révélait chez celui qui l’avait écrite une connaissance familière de la vie de Swann)… (Swann 356).… Quant au fond même de la lettre, il ne s’en inquiéta pas, car pas une des accusations formulées contre Odette n’avait l’ombre de vraisemblance. (Swann 359/486)

(25)

D’ailleurs ses aveux même, quand elle lui en faisait, de fautes qu’elle le supposait avoir découvertes, servaient plutôt pour Swann de point de départ à de nouveaux doutes qu’ils ne mettaient un terme aux anciens. Car ils n’étaient jamais exactement proportionnés à ceux-ci. Odette avait eu beau retrancher de sa confession tout l’essentiel, il restait dans l’accessoire quelque chose que Swann n’avait jamais imaginé, qui l’accablait de sa nouveauté et allait lui permettre de changer les termes du problème de sa jalousie. Et ces aveux il ne pouvait plus les oublier. Son âme les charriait, les rejetait, les berçait, comme des cadavres. Et elle en était empoisonnée. (Swann 370/503)

(26)

Un jour que Swann était sorti au milieu de l’après-midi pour faire une visite, n’ayant pas trouvé la personne qu’il voulait rencontrer, il eut l’idée d’entrer chez Odette à cette heure où il n’allait jamais chez elle, mais où il savait qu’elle était toujours à la maison à faire sa sieste ou à écrire des lettres avant l’heure du thé, et où il aurait plaisir à la voir un peu sans la déranger. Le concierge lui dit qu’il croyait qu’elle était là ; il sonna, crut entendre du bruit, entendre marcher, mais on n’ouvrit pas. Anxieux, irrité, il alla dans la petite rue où donnait l’autre face de l’hôtel, se mit devant la fenêtre de la chambre d’Odette ; les rideaux l’empêchaient de rien voir, il frappa avec force aux carreaux, appela ; personne n’ouvrit. Il vit que des voisins le regardaient. Il partit, pensant qu’après tout, il s’était peut-être trompé en croyant entendre des pas ; mais il en resta si préoccupé qu’il ne pouvait penser à autre chose. Une heure après, il revint. (Swann 277/389)

(27)

Le peintre ayant été malade, le docteur Cottard lui conseilla un voyage en mer; plusieurs fidèles parlèrent de partir avec lui; les Verdurin ne purent se résoudre à rester seuls, louèrent un yacht, puis s’en rendirent acquéreurs et ainsi Odette fit de fréquentes croisières. Chaque fois qu’elle était partie depuis un peu de temps, Swann sentait qu’il commençait à se détacher d’elle, mais comme si cette distance morale était proportionnée à la distance matérielle, dès qu’il savait Odette de retour, il ne pouvait pas rester sans la voir. Une fois, partis pour un mois seulement, croyaient-ils, soit qu’ils eussent été tentés en route, soit que M. Verdurin eût sournoisement arrangé les choses d’avance pour faire plaisir à sa femme et n’eût averti les fidèles qu’au fur et à mesure, d’Alger ils allèrent à Tunis, puis en Italie, puis en Grèce, à Constantinople, en Asie Mineure. Le voyage durait depuis près d’un an. (Swann 373/507)

(28)

…quand Swann ramassa par hasard près de lui la preuve que Forcheville avait été l’amant d’Odette, il s’aperçut qu’il n’en ressentait aucune douleur, que l’amour était loin maintenant et regretta de n’avoir pas été averti du moment où il le quittait pour toujours. (Swann 378/513)

(29)

« Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! ». (Swann 382/517)

Mais je ne crois pas cependant que Swann soit malheureux. Il y a eu, il est vrai, dans les années qui précédèrent le mariage d’assez vilaines manœuvres de chantage de la part de la femme ; elle privait Swann de sa fille chaque fois qu’il lui refusait quelque chose. Le pauvre Swann, aussi naïf qu’il est pourtant raffiné, croyait chaque fois que l’enlèvement de sa fille était une coïncidence et ne voulait pas voir la réalité. Elle lui faisait d’ailleurs des scènes si continuelles qu’on pensait que le jour où elle serait arrivée à ses fins et se serait fait épouser, rien ne la retiendrait plus et que leur vie serait un enfer. Hé bien ! c’est le contraire qui est arrivé.(JF 468/38)

(30)

Du reste, les personnes qui n’avaient pas seulement connu l’ancien Swann en dehors du monde, comme j’avais fait, mais dans le monde, dans ce milieu Guermantes, où, en exceptant les Altesses et les Duchesses on était d’une exigence infinie pour l’esprit et le charme, où on prononçait l’exclusive pour des hommes éminents, qu’on trouvait ennuyeux ou vulgaires, ces personnes-là auraient pu s’étonner en constatant que l’ancien Swann avait cessé d’être non seulement discret quand il parlait de ses relations mais difficile quand il s’agissait de les choisir. Comment Mme Bontemps, si commune, si méchante, ne l’exaspérait-elle pas ? (JF 513/84)

(31)

Ma mère, quand il fut question d’avoir pour la première fois M. de Norpois à dîner, ayant exprimé le regret que le Professeur Cottard fût en voyage et qu’elle-même eût entièrement cessé de fréquenter Swann, car l’un et l’autre eussent sans doute intéressé l’ancien Ambassadeur, mon père répondit qu’un convive éminent, un savant illustre, comme Cottard, ne pouvait jamais mal faire dans un dîner, mais que Swann, avec son ostentation, avec sa manière de crier sur les toits ses moindres relations, était un vulgaire esbrouffeur que le Marquis de Norpois eût sans doute trouvé selon son expression, « puant ». Or cette réponse de mon père demande quelques mots d’explication, certaines personnes se souvenant peut-être d’un Cottard bien médiocre et d’un Swann poussant jusqu’à la plus extrême délicatesse, en matière mondaine, la modestie et la discrétion. Mais pour ce qui regarde celui-ci, il était arrivé qu’au « fils Swann » et aussi au Swann du Jockey, l’ancien ami de mes parents avait ajouté une personnalité nouvelle (et qui ne devait pas être la dernière), celle de mari d’Odette. Adaptant aux humbles ambitions de cette femme, l’instinct, le désir, l’industrie, qu’il avait toujours eus, il s’était ingénié à se bâtir, fort au-dessous de l’ancienne, une position nouvelle et appropriée à la compagne qui l’occuperait avec lui. (JF 431/3)

(32)

…M. Swann (que j’avais vu si souvent autrefois sans qu’il excitât ma curiosité, quand il était lié avec mes parents) venait chercher Gilberte aux Champs-Elysées,…(Swann 406/548)

(33)

Quant à Swann, pour tâcher de lui ressembler, je passais tout mon temps à table, à me tirer sur le nez et à me frotter les yeux. Mon père disait : « cet enfant est idiot, il deviendra affreux. » J’aurais surtout voulu être aussi chauve que Swann. Il me semblait un être si extraordinaire que je trouvais merveilleux que des personnes que je fréquentais le connussent aussi et que dans les hasards d’une journée quelconque on pût être amené à le rencontrer. (Swann 414/557)

(34)

Comme je lui disais combien j’admirais son père et sa mère, elle prit cet air vague, plein de réticences et de secret qu’elle avait quand on lui parlait de ce qu’elle avait à faire, de ses courses et de ses visites, et tout d’un coup finit par me dire : « Vous savez, ils ne vous gobent pas ! » et glissante comme une ondine — elle était ainsi — elle éclata de rire. Souvent son rire en désaccord avec ses paroles semblait, comme fait la musique, décrire dans un autre plan, une surface invisible. M. et Mme Swann ne demandaient pas à Gilberte de cesser de jouer avec moi, mais eussent autant aimé, pensait-elle, que cela n’eût pas commencé. Ils ne voyaient pas mes relations avec elle d’un il favorable, ne me croyaient pas d’une grande moralité et s’imaginaient que je ne pouvais exercer sur leur fille qu’une mauvaise influence. (JF 490/61)

(35)

« Mon cher ami, disait la lettre, j’ai appris que vous aviez été très souffrant et que vous ne veniez plus aux Champs-Elysées. Moi je n’y vais guère non plus parce qu’il y a énormément de malades. Mais mes amies viennent goûter tous les lundis et vendredis à la maison. Maman me charge de vous dire que vous nous feriez très grand plaisir en venant aussi dès que vous serez rétabli, et nous pourrions reprendre à la maison nos bonnes causeries des Champs-Elysées. Adieu, mon cher ami, j’espère que vos parents vous permettront de venir très souvent goûter, et je vous envoie toutes mes amitiés. Gilberte. »  (JF 500/71)

(36)

Swann, avec une bienveillance infinie et comme s’il n’avait pas été surchargé d’occupations glorieuses, me faisait entrer dans sa bibliothèque et m’y laissait pendant une heure répondre par des balbutiements, des silences de timidité coupés de brefs et incohérents élans de courage, à des propos dont mon émoi  m’empêchait de comprendre un seul mot ; il me montrait des objets d’art et des livres qu’il jugeait susceptibles de m’intéresser et dont je ne doutais pas d’avance qu’ils ne passassent infiniment en beauté tous ceux que possèdent le Louvre et la Bibliothèque Nationale, mais qu’il m’était impossible de regarder. (JF 509/80)

(37)

Swann était du reste aveugle, en ce qui concernait Odette, non seulement devant ces lacunes de son éducation, mais aussi devant la médiocrité de son intelligence. Bien plus ; chaque fois qu’Odette racontait une histoire bête, Swann écoutait sa femme avec une complaisance, une gaieté, presque une admiration où il devait entrer des restes de volupté ; tandis que, dans la même conversation, ce que lui-même pouvait dire de fin, même de profond, était écouté par Odette, habituellement sans intérêt, assez vite, avec impatience et quelquefois contredit avec sévérité.  (JF 519/90)

(38)

Et lui qui, quand il souffrait par Odette eût tant désiré de lui laisser voir un jour qu’il était épris d’une autre, maintenant qu’il l’aurait pu, il prenait mille précautions pour que sa femme ne soupçonnât pas ce nouvel amour. (JF 525/96)

(39)

Je n’avais pas vu Swann depuis très longtemps, je me demandai un instant si autrefois il coupait sa moustache, ou n’avait pas les cheveux en brosse, car je lui trouvais quelque chose de changé; c’était seulement qu’il était en effet très « changé », parce qu’il était très souffrant, et la maladie produit dans le visage des modifications aussi profondes que se mettre à porter la barbe ou changer sa raie de place. (La maladie de Swann était celle qui avait emporté sa mère et dont elle avait été atteinte précisément à l’âge qu’il avait. (Guer 578).Je ne pouvais me décider à quitter Swann. Il était arrivé à ce degré de fatigue où le corps d’un malade n’est plus qu’une cornue où s’observent des réactions chimiques. Sa figure se marquait de petits points bleu de Prusse, qui avaient l’air de ne pas appartenir au monde vivant, et dégageait ce genre d’odeur qui, au lycée, après les « expériences », rend si désagréable de rester dans une classe de « Sciences ». (Guer 578/560)

(40)

« A propos de dreyfusards, dis-je, il paraît que le prince Von l’est,—Ah ! vous faites bien de me parler de lui, s’écria M. de Guermantes, j’allais oublier qu’il m’a demandé de venir dîner lundi. Mais, qu’il soit dreyfusard ou non, cela m’est parfaitement égal puisqu’il est étranger. Je m’en fiche comme de colin-tampon. Pour un Français, c’est autre chose. Il est vrai que Swann est juif. Mais jusqu’à ce jour—excusez-moi, Froberville—j’avais eu la faiblesse de croire qu’un juif peut être Français, j’entends un juif honorable, homme du monde. Or Swann était cela dans toute la force du terme. Hé bien ! il me force à reconnaître que je me suis trompé, puisqu’il prend parti pour ce Dreyfus (qui, coupable ou non, ne fait nullement partie de son milieu, qu’il n’aurait jamais rencontré) contre une société qui l’avait adopté, qui l’avait traité comme un des siens. Il n’y a pas à dire, nous nous étions tous portés garants de Swann, j’aurais répondu de son patriotisme comme du mien. Ah ! il nous récompense bien mal. (SG 678/77)

(41)

Swann trouvait maintenant indistinctement intelligents ceux qui étaient de son opinion, son vieil ami le prince de Guermantes, et mon camarade Bloch qu’il avait tenu à l’écart jusque-là, et qu’il invita à déjeuner. Swann intéressa beaucoup Bloch en lui disant que le prince de Guermantes était dreyfusard. « Il faudrait lui demander de signer nos listes pour Picquart ; avec un nom comme le sien, cela ferait un effet formidable. » Mais Swann, mêlant à son ardente conviction d’Israélite la modération diplomatique du mondain, dont il avait trop pris les habitudes pour pouvoir si tardivement s’en défaire, refusa d’autoriser Bloch à envoyer au Prince, même comme spontanément, une circulaire à signer. (SG 712/110)

(42)

« Nous apprenons avec un vif regret que M. Charles Swann a succombé hier à Paris, dans son hôtel, des suites d’une douloureuse maladie. Parisien dont l’esprit était apprécié de tous, comme la sûreté de ses relations choisies mais fidèles, il sera unanimement regretté, aussi bien dans les milieux artistiques et littéraires, où la finesse avisée de son goût le faisait se plaire et être recherché de tous, qu’au Jockey-Club dont il était l’un des membres les plus anciens et les plus écoutés. Il appartenait aussi au Cercle de l’Union et au Cercle Agricole. (Pris 199/188)

(43)

Et pourtant, cher Charles Swann, que j’ai connu quand j’étais encore si jeune et vous près du tombeau, c’est parce que celui que vous deviez considérer comme un petit imbécile a fait de vous le héros d’un de ses romans, qu’on recommence à parler de vous et que peut-être vous vivrez. (Pris 200/189)

 

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