Jupien d’après David Richardson
Nombre de citations du personnage dans chacun des sept livres de la Recherche
Total |
Swann |
JF |
Guer |
SG |
Pris |
Fug |
TR |
220 |
3 |
37 |
60 |
34 |
14 |
72 |
Modèles possibles : Gabriel d’Yturri secrétaire loyal du baron Doäzan, Albert le Cuziat valet de chambre du duc de Rohan
Jupien, giletier de son état puis employé dans un ministère. Il vit dans un logement donnant sur la cour de l’hôtel de Guermantes.
La grand-mère du narrateur le rencontre fortuitement lors d’une visite chez Mme de Villeparisis, une ancienne amie d’enfance qu’elle a retrouvée après de longues années (1)
Très aimable et apprécié de la grand-mère du narrateur et de Françoise, Jupien a du caractère et fait preuve de fermeté vis-à-vis de son logeur le duc de Guermantes et parfois même d’insolence (2)
Le baron Charlus en visite chez les Guermantes rencontre Jupien et c’est le coup de foudre et le début d’une longue liaison amoureuse et d’une association (3). Le narrateur qui les a surpris dans une remise alors qu’ils ont une relation sexuelle est fortement déconcerté (4)
Désormais M. de Charlus multiplie ses visites et va recommander Jupien à son entourage puis il finira par l’engager comme secrétaire particulier (5).
La nièce de Jupien, devenue la protégée de M. de Charlus, épouse Léonor de Cambremer.
Charlus fréquente assidûment une maison de passe achetée par lui et dont il a confié la gérance à Jupien où il s’adonne au masochisme. Le narrateur entré par hasard dans l’établissement pour se désaltérer le surprend enchaîné en train de se faire fouetter. Parmi les missions de Jupien, celle d’amener à Charlus des jeunes garçons qu’il paie généreusement (6).
Le Baron de Charlus est devenu vieux et malade et Jupien continue de s’occuper de lui avec beaucoup de soin et d’affection (7).
(1) |
Ma grand’mère était revenue de sa visite enthousiasmée par la maison qui donnait sur des jardins et où Mme de Villeparisis lui conseillait de louer, et aussi par un giletier et sa fille, qui avaient leur boutique dans la cour et chez qui elle était entrée demander qu’on fît un point à sa jupe qu’elle avait déchirée dans l’escalier. Ma grand’mère avait trouvé ces gens parfaits, elle déclarait que la petite était une perle et que le giletier était l’homme le plus distingué, le mieux qu’elle eût jamais vu. Car pour elle, la distinction était quelque chose d’absolument indépendant du rang social. Elle s’extasiait sur une réponse que le giletier lui avait faite, disant à maman : « Sévigné n’aurait pas mieux dit ! » et en revanche, d’un neveu de Mme de Villeparisis qu’elle avait rencontré chez elle : « Ah ! ma fille, comme il est commun ! » (Swann 20/70) |
(2) |
Plus d’une fois même le cheval abîma la devanture de Jupien, lequel indigna le duc en demandant une indemnité. « Quand ce ne serait qu’en considération de tout le bien que madame la Duchesse fait dans la maison et dans la paroisse, disait M. de Guermantes, c’est une infamie de la part de ce quidam de nous réclamer quelque chose. » Mais Jupien avait tenu bon, paraissant ne pas du tout savoir quel « bien » avait jamais fait la duchesse. (Guer 32/25) Jupien étant venu dire un mot dans la cour au mari qui était en train de saluer M. de Guermantes, l’appela « M. Norpois », ne sachant pas exactement son nom.Ah ! monsieur Norpois, ah ! c’est vraiment trouvé ! Patience ! bientôt ce particulier vous appellera citoyen Norpois ! s’écria, en se tournant vers le baron, M. de Guermantes. Il pouvait enfin exhaler sa mauvaise humeur contre Jupien qui lui disait « Monsieur » et non « Monsieur le Duc ». (Guer 33/26) |
(3) |
…le baron, ayant soudain largement ouvert ses yeux mi-clos, regardait avec une attention extraordinaire l’ancien giletier sur le seuil de sa boutique, cependant que celui-ci, cloué subitement sur place devant M. de Charlus, enraciné comme une plante, contemplait d’un air émerveillé l’embonpoint du baron vieillissant. Mais, chose plus étonnante encore, l’attitude de M. de Charlus ayant changé, celle de Jupien se mit aussitôt, comme selon les lois d’un art secret, en harmonie avec elle……le baron, ayant soudain largement ouvert ses yeux mi-clos, regardait avec une attention extraordinaire l’ancien giletier sur le seuil de sa boutique, cependant que celui-ci, cloué subitement sur place devant M. de Charlus, enraciné comme une plante, contemplait d’un air émerveillé l’embonpoint du baron vieillissant. Mais, chose plus étonnante encore, l’attitude de M. de Charlus ayant changé, celle de Jupien se mit aussitôt, comme selon les lois d’un art secret, en harmonie avec elle. (SG 604/6) |
(4) |
Car d’après ce que j’entendis les premiers temps dans celle de Jupien et qui ne furent que des sons inarticulés, je suppose que peu de paroles furent prononcées. Il est vrai que ces sons étaient si violents que, s’ils n’avaient pas été toujours repris un octave plus haut par une plainte parallèle, j’aurais pu croire qu’une personne en égorgeait une autre à côté de moi et qu’ensuite le meurtrier et sa victime ressuscitée prenaient un bain pour effacer les traces du crime. J’en conclus plus tard qu’il y a une chose aussi bruyante que la souffrance, c’est le plaisir, surtout quand s’y ajoutent—à défaut de la peur d’avoir des enfants, ce qui ne pouvait être le cas ici, malgré l’exemple peu probant de la Légende dorée—des soucis immédiats de propreté. Enfin au bout d’une demi-heure environ (pendant laquelle je m’étais hissé à pas de loup sur mon échelle afin de voir par le vasistas que je n’ouvris pas), une conversation s’engagea. Jupien refusait avec force l’argent que M. de Charlus voulait lui donner. (SG 609/11) |
(5) |
A partir de ce jour, M. de Charlus devait changer l’heure de ses visites à Mme de Villeparisis, non qu’il ne pût voir Jupien ailleurs et plus commodément, mais parce qu’aussi bien qu’ils l’étaient pour moi, le soleil de l’après-midi et les fleurs de l’arbuste étaient sans doute liés à son souvenir. D’ailleurs, il ne se contenta pas de recommander les Jupien à Mme de Villeparisis, à la duchesse de Guermantes, à toute une brillante clientèle, qui fut d’autant plus assidue auprès de la jeune brodeuse que les quelques dames qui avaient résisté ou seulement tardé furent de la part du baron l’objet de terribles représailles, soit afin qu’elles servissent d’exemple, soit parce qu’elles avaient éveillé sa fureur et s’étaient dressées contre ses entreprises de domination ; il rendit la place de Jupien de plus en plus lucrative jusqu’à ce qu’il le prît définitivement comme secrétaire et l’établît dans les conditions que nous verrons plus tard. (SG 630/31) |
(6) |
Inversement, Jupien sentait que ce n’était pas encore assez de présenter à M. de Charlus un garçon laitier. Il lui murmurait en clignant de l’œil : il est garçon laitier mais au fond c’est surtout un des plus dangereux apaches de Belleville (il fallait voir le ton grivois dont Jupien disait « apache »). Et comme si ces références ne suffisaient pas, il tâchait d’ajouter quelques « citations ». Il a été condamné plusieurs fois pour vol et cambriolage de villas, il a été à Fresnes pour s’être battu (même air grivois) avec des passants qu’il a à moitié estropiés et il a été au bat. d’Af. Il a tué son sergent. (TR 817/123) |
(7) |
Jupien prenait soin de lui comme d’un enfant lui souffla à l’oreille que c’était une personne de connaissance, Mme de Sainte-Euverte. (TR 860/166) |