Aquarelle de Bruno Sari – 2020
Le Temps Retrouvé (911/217)
Voici quelques aphorismes notés au fil de nos lectures de « La Recherche ». Nous avons renoncé à les regrouper par thèmes et préférons les présenter dans l’ordre chronologique d’apparition.
L’indice entre parenthèse renvoie à la collection la Pléïade (édition 1954) ainsi qu’à la collection Folio (édition 1988). A titre d’exemple, (Swann 19/69) indique que l’on trouvera la citation dans le livre « du côté de chez Swann » à la page 19 de la Pléiade et à la page 69 de la collection Folio.
Les abréviations retenus pour chacun des sept livres sont : Swann, JF, Guer, SG, Pris, Fug, TR.
Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. (Swann 19/69)
Tâchez de garder toujours un morceau de ciel au-dessus de votre vie. (Swann 68/130)
L’indifférence aux souffrances qu’on cause est la forme terrible et permanente de la cruauté (Swann 165/250)
Ce n’est pas à un autre homme intelligent qu’un homme intelligent aura peur de paraître bête. (Swann 191/283)
Autrefois on rêvait de posséder le cœur de la femme dont on était amoureux ; plus tard sentir qu’on possède le cœur d’une femme peut suffire à vous en rendre amoureux. (Swann 196/289)
Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l’impatience d’un plaisir immédiat. (Swann 274/385)
Peut-être est-ce le néant qui est le vrai et tout notre rêve est-il inexistant. (Swann 350/479)
On ne connaît pas son bonheur. On n’est jamais aussi malheureux qu’on croit. (Swann 354/484)
Il y a des jours montueux et malaisés qu’on met un temps infini à gravir et des jours en pente qui se laissent descendre à fond de train en chantant. (Swann 391/528)
On n’aime plus personne dès qu’on aime. (Swann 399/539)
Le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant. (Swann 427/574)
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Ce qui rapproche, ce n’est pas la communauté des opinions, c’est la consanguinité des esprits. (JF 436/7)
Nos désirs vont s’interférant et, dans la confusion de l’existence, il est rare qu’un bonheur vienne justement se poser sur le désir qui l’avait réclamé. (JF 489/60)
La générosité n’est souvent que l’aspect intérieur que prennent nos sentiments égoïstes. (JF 491/63)
La vie est semée de ces miracles que peuvent toujours espérer les personnes qui aiment. (JF 500/71)
Les beautés qu’on découvre le plus tôt sont aussi celles dont on se fatigue le plus vite. (JF 530/101)
Comment oublier jamais quelqu’un qu’on aime depuis toujours. (JF 536/106)
Chacun appelle idées claires celles qui sont au même degré de confusion que les siennes propres. (JF 552/122)
C’est, dans l’amour, un état anormal, capable de donner tout de suite, à l’accident, le plus simple en apparence et qui peut toujours survenir, une gravité que par lui-même cet accident ne comporterait pas. (JF 582/151)
Savoir qu’on n’a plus rien à espérer n’empêche pas de continuer à attendre. (JF 591/160)
Nous sommes tous obligés pour rendre la réalité supportable, d’entretenir en nous quelques petites folies. (JF 591/161)
Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique ; les passions que nous ressentons le dilatent, celles que nous inspirons le rétrécissent et l’habitude le remplit. (JF 612/181)
Il n’est pas certain que le bonheur survenu trop tard, quand on ne peut plus en jouir, quand on n’aime plus, soit tout à fait ce même bonheur dont le manque nous rendit jadis si malheureux. (JF 629/198)
On devient moral dès qu’on est malheureux. (JF 630/199)
Comme la durée moyenne de la vie, — la longévité relative, — est beaucoup plus grande pour les souvenirs des sensations poétiques que pour ceux des souffrances du cœur. (JF 641/209)
Ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mêmes. (JF 646/215)
La détermination dans notre imagination des traits d’un bonheur tient plutôt à l’identité des désirs qu’il nous inspire, qu’à la précision des renseignements que nous avons sur lui. (JF 647/216)
La beauté des êtres n’est pas comme celle des choses, et nous sentons qu’elle est celle d’une créature unique, consciente et volontaire (JF 712/280=
L’important dans la vie n’est pas ce qu’on aime, c’est d’aimer. (JF 763/330)
La beauté des êtres n’est pas comme celle des choses, et que nous sentons qu’elle est celle d’une créature unique, consciente et volontaire. (JF 712/280)
L’adolescence est le seul temps où l’on ait appris quelque chose. (JF 730/298)
Les enfants ont toujours une tendance soit à déprécier, soit à exalter leurs parents. (JF 771/338)
L’amour le plus exclusif pour une personne est toujours l’amour d’autre chose. (JF 833/397)
L’amour devient immense, nous ne songeons pas combien la femme réelle y tient peu de place. (JF 858/421)
On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même après un trajet que personne ne peut faire pour nous. (JF 864/427)
Ce qu’on appelle se rappeler un être c’est en réalité l’oublier. (JF 917/478)
L’audace réussit à ceux qui savent profiter des occasions. (JF ***/494)
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On pardonne les crimes individuels, mais non la participation à un crime collectif. (Guer 152/144)
Nous travaillons à tout moment à donner sa forme à notre vie, mais en copiant malgré nous comme un dessin les traits de la personne que nous sommes et non de celle qu’il nous serait agréable d’être. (Guer 188/179)
Les amoureux timides passent souvent ensemble à parler de banalités jusqu’au moment de se quitter. (Guer 208/199)
Les égoïstes ont toujours le dernier mot. (Guer 281/271)
Dans la vie de la plupart des femmes, tout, même le plus grand chagrin, aboutit à une question d’essayage. (Guer 335/325)
Vivez tout à fait avec la femme et vous ne verrez plus rien de ce qui vous l’a fait aimer. (Guer 352/341)
Pour le baiser, nos narines et nos yeux sont aussi mal placés que nos lèvres mal faites. (Guer 365/355)
La jeunesse une fois passée, il est rare qu’on reste confiné dans l’insolence. (Guer 403/391)
Notre mémoire et notre cœur ne sont pas assez grands pour pouvoir être fidèles. (Guer 532/515)
Nous n’avons pas assez de place, dans notre pensée actuelle, pour garder les morts à côté des vivants. (Guer 532/515)
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Il n’y avait pas d’anormaux quand l’homosexualité était la norme. (SG 616/18)
Toute action de l’esprit est aisée si elle n’est pas soumise au réel. (SG 650/50)
C’est comme ça dans le monde, on ne se voit pas, on ne dit pas les choses qu’on voudrait se dire ; du reste, partout, c’est la même chose dans la vie. (SG 685/84)
On est subitement las dès qu’on craint de l’être, et pour se remettre de sa fatigue, il suffit de l’oublier. (SG 704/103)
Les hommes peuvent avoir plusieurs sortes de plaisirs. Le véritable est celui pour lequel ils quittent l’autre. (SG 710/108)
Dans l’attente, on souffre tant de l’absence de ce qu’on désire qu’on ne peut supporter une autre présence. (SG 729/127)
La maladie est le plus écouté des médecins : à la bonté, au savoir on ne fait que promettre ; on obéit à la souffrance. (SG 744/141)
Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi étroites, aussi insaisissables, que celles que l’imagination avait formées et la réalité détruites. (SG 752/149)
Si l’habitude est une seconde nature, elle nous empêche de connaître la première. (SG 754/151)
On peut quelquefois retrouver un être, mais non abolir le temps. (SG 883/276)
Le nez est généralement l’organe où s’étale le plus aisément la bêtise. (SG 913/305)
L’instinct d’imitation et l’absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules. (SG 934/325)
L’ennui est un des maux les moins graves qu’on ait à supporter. (SG 1022/411)
Il n’y a que les femmes qui ne savent pas s’habiller qui craignent la couleur. (SG 1055/442)
Il y a une chose plus difficile encore que de s’astreindre à un régime, c’est de ne pas l’imposer aux autres. (SG 1097/482)
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Le snobisme est une maladie grave de l’âme, mais localisée et qui ne la gâte pas tout entière. (Pris 14/8)
Chaque classe sociale a sa pathologie. (17/11)
Les choses éclatantes, on ne les fait généralement que par à-coups. (Pris 43/37)
Car la possession de ce qu’on aime est une joie plus grande encore que l’amour. (Pris 51/44)
Sous toute douceur charnelle un peu profonde, il y a la permanence d’un danger. (Pris 81/73)
La jalousie n’est souvent qu’un inquiet besoin de tyrannie appliqué aux choses de l’amour. (Pris 91/82)
On n’aime que ce qu’on ne possède pas tout entier. (Pris 106/98)
L’amour, dans l’anxiété douloureuse comme dans le désir heureux, est l’exigence d’un tout. Il ne naît, il ne subsiste que si une partie reste à conquérir. (Pris 106/98)
On déteste ce qui nous est semblable, et nos propres défauts vus du dehors nous exaspèrent. (Pris 108/99)
Autrui nous est indifférent et l’indifférence n’invite pas à la méchanceté. (Pris 111/102)
De même que les peuples ne sont pas longtemps gouvernés par une politique de pur sentiment, les hommes ne le sont pas par le souvenir de leurs rêves. (Pris 125/116)
On a dit que la beauté est une promesse de bonheur. Inversement la possibilité du plaisir peut être un commencement de beauté. (Pris 140/131)
On trouve innocent de désirer et atroce que l’autre désire. (Pris 170/160)
Mort à jamais ? Qui peut le dire ? (Pris 187/177)
L’irresponsabilité aggrave les fautes et même les crimes. (Pris 205/194)
Si tranquille qu’on se croie quand on aime, on a toujours l’amour dans son cœur en état d’équilibre instable. (Pris 224/213)
Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux. (Pris 258/246)
On ne supporte pas toujours bien les larmes qu’on fait verser. (Pris 312/299)
En amour, il est plus facile de renoncer à un sentiment que de perdre une habitude. (Pris 355/341)
L’amour c’est l’espace et le temps rendus sensibles au cœur. (Pris 385/371)
Il n’est de jalousie que de soi-même. (Pris 385/371)
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Il est vraiment rare qu’on se quitte bien, car, si on était bien, on ne se quitterait pas ! (Fug 425/9)
Quand on se voit au bord de l’abîme et qu’il semble que Dieu vous ait abandonné, on n’hésite plus à attendre de lui un miracle. (Fug 434/18)
Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. (Fug 440/23)
Plus le désir avance, plus la possession véritable s’éloigne. (Fug 450/33)
L’homme est l’être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu’en soi, et, en disant le contraire, ment. (Fug 450/34)
Une femme que nous entretenons ne nous semble pas une femme entretenue tant que nous ne savons pas qu’elle l’est par d’autres. (Fug 464/47)
On ne peut regretter que ce qu’on se rappelle. (Fug 488/70)
Le regret est un amplificateur du désir. (Fug 504/86)
A partir d’un certain âge nos amours, nos maîtresses sont filles de notre angoisse. (Fug 505/87)
La douleur est un aussi puissant modificateur de la réalité qu’est l’ivresse. (Fug 518/100)
On ne guérit d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver pleinement. (Fug 536/117)
L’oubli dont je commençais à sentir la force et qui est un si puissant instrument d’adaptation à la réalité parce qu’il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle. (Fug 557/138)
L’amour, même en ses plus humbles commencements, est un exemple frappant du peu qu’est la réalité pour nous. (Fug 566/147)
Il n’y a pas une idée qui ne porte en elle sa réfutation possible, un mot, le mot contraire.(Fug 602/183)
On a tort de parler en amour de mauvais choix puisque, dès qu’il y a choix, il ne peut être que mauvais. (Fug 611/191)
Notre amour de la vie n’est qu’une vieille liaison dont nous ne savons pas nous débarrasser. (Fug 645/225)
Nos habitudes nous suivent même là où elles ne nous servent plus à rien. (Fug 666/246)
On dédaigne volontiers un but qu’on n’a pas réussi à atteindre, ou qu’on a atteint définitivement. (Fug 670/250)
Les homosexuels seraient les meilleurs maris du monde s’ils ne jouaient pas la comédie d’aimer les femmes. (Fug 683/263)
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Une femme qu’on aime suffit rarement à tous nos besoins et on la trompe avec une femme qu’on n’aime pas. (TR 704/10)
Il est peu de réussites faciles, et d’échecs définitifs. (TR 732/39)
C’est toujours l’attachement à l’objet qui amène la mort du possesseur. (TR 807/114)
Rien n’est plus limité que le plaisir et le vice. (TR 828/134)
Dans les personnes que nous aimons, il y a, immanent à elles, un certain rêve que nous ne savons pas toujours discerner mais que nous poursuivons. (TR 839/146)
Les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus. (TR 870/177)
L’artiste qui renonce à une heure de travail pour une heure de causerie avec un ami sait qu’il sacrifie une réalité pour quelque chose qui n’existe pas. (TR 875/182)
L’instinct dicte le devoir et l’intelligence fournit les prétextes pour l’éluder. (TR 879/186)
Ce que nous n’avons pas eu à déchiffrer, à éclaircir par notre effort personnel, ce qui était clair avant nous, n’est pas à nous. (TR 880/187)
L’art véritable n’a que faire de tant de proclamations et s’accomplit dans le silence. (TR 882/188)
Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous. (TR 895/202)
Les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l’obscurité et du silence. (TR 898/204)
Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous. (TR 895/202)
La vérité suprême de la vie est dans l’art. (TR 902/209)
Si nous n’avions pas de rivaux le plaisir ne se transformerait pas en amour. (TR 905/212)
Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue, car s’il n’est pas de remède à un amour non partagé. (TR 905/212)
Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c’est le chagrin qui développe les forces de l’esprit. (TR 906/ 212)
Ce sont nos passions qui esquissent nos livres, le repos d’intervalle qui les écrit. (TR 907/214)
Quant au bonheur, il n’a presque qu’une seule utilité, rendre le malheur possible. (TR 907/214)
Ce ne sont pas les êtres qui existent réellement et sont par conséquent susceptibles d’expression, mais les idées. (TR 908/215)
L’ouvrage de l’écrivain n’est qu’une espèce d’instrument optique qu’il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre, il n’eût peut-être pas vu en soi-même. (TR 911/217)
Un nom c’est tout ce qui reste bien souvent pour nous d’un être, non pas même quand il est mort mais de son vivant. (TR 966/273)
Ce qui est dangereux et procréateur de souffrances dans l’amour, ce n’est pas la femme elle-même, c’est sa présence de tous les jours, la curiosité de ce qu’elle fait à tous moments, ce n’est pas la femme, c’est l’habitude. (TR 1022/327)
Avoir un corps c’est la grande menace pour l’esprit. (TR 1034/340)
Nos plus grandes craintes, comme nos plus grandes espérances, ne sont pas au-dessus de nos forces et nous pouvons finir par dominer les unes et réaliser les autres. (TR 1035/340)
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TRES BIEN….. POUR DEMARRER
bravo pour cette superbe collection.
Bonjour,
Que penseriez-vous d’ajouter:
» Nous travaillons à tout moment à donner sa forme à notre vie, mais en copiant malgré nous comme un dessin les traits de la personne que nous sommes et non de celle qu’il nous serait agréable d’être. » ( Gue ?/ 179) ?
Meilleures salutations
Nadine
C’est bien volontiers que je réponds à votre demande.
Bien à vous
Bonsoir,
Que diriez-vous d’ajouter un autre aphorisme dans SG (?/103): « 0n est subitement las dès qu’on craint de l’être, et pour se remettre de sa fatigue, il suffit de l’oublier. » ?
Meilleures salutations
Voilà qui est fait. Merci !
Bonsoir,
Manifestement, je suis très réceptive aux aphorismes.
» La maladie est le plus écouté des médecins : à la bonté, au savoir on ne fait que promettre ; on obéit à la souffrance. » SG (?/141) ne mériterait-il pas de rejoindre la liste?
Bien à vous
Voici et encore merci