C’est à cet arbre, sans doute bicentenaire et penché mais vaillant et enflammé d’automne que je vais donc allumer le flambeau qu’André Vincens m’a fait l’honneur de me passer. Pour continuer à faire vivre son œuvre, celle qui – comme ce collège de statues qu’on voit au frontispice d’une cathédrale, qui sont comme les hérauts annonceurs des merveilles intérieures – a transmis, transmet toujours à tant de lectrices et de lecteurs la curiosité d’explorer le monument proustien.
Évidemment, ma part sera infime tant la quasi-totalité de ce patient recensement a été fait par André Vincens, et ce serait un motif de fierté si, par hasard, je découvrais coincé entre deux pages un petit insecte oublié de notre entomologiste, que j’épinglerais alors à la galerie.
Mais la rareté du fait me cantonnera en réalité au simple entretien de la flamme indexée à laquelle tant de personnes dans le monde éclairent les zones qui leur paraissent ombreuses dans « La Recherche ».
Je rencontre souvent, parmi les personnes intriguées par l’œuvre de Marcel Proust, des gens qui « tournent autour », déambulent dans le péristyle, stationnent dans le narthex, cherchant à savoir d’abord qui était l’écrivain ; et se sentant, au terme de cette tâtonnante recherche, en familiarité avec lui, décident d’entrer dans « LA Recherche ». Mais dans un cas sur deux, c’est le désarroi, l’incompréhension, tant l’œuvre n’est pas son auteur, qu’elle dépasse tellement. Le travail d’André Vincens évite cet écueil en entrant de plain-pied dans l’œuvre, et par ceux qui la soutiennent le mieux : ses personnages.
C’est donc œuvre d’utilité publique qui doit perdurer, et c’est ce à quoi j’ai mission de veiller.